Depuis près de quinze années, le tennis masculin est dominé par trois ovnis. Les 4 fantastiques avec Novak Djokovic, l’homme élastique, Rafael Nadal, la chose, Roger Federer, le Maître tout simplement et Andy Murray désormais l’homme invisible ont laissé place à un trident. Désolé pour le britannique mais sa génération est surclassée par les autres. Longtemps la rivalité entre Roger et Rafa a été la plus importante que ce sport ait connu mais en parallèle est née celle entre le Djoker et son batman espagnol. Retour sur un duel qui a guidé le circuit ATP comme quasi aucune autre avant.
Comme un clin d’oeil leur premier affrontement avait lieu il y a 14 ans dans la Ville Lumière sur la surface ocre et en ce dimanche 11 octobre 2020, il était question d’Histoire avec un grand H sur le court Philippe Chatrier, toit fermé pour l’occasion. Une première à Paris pour la 56ème (!) confrontations entre deux hommes. L’un a 34 ans, est ibérique et possède 19 titres du Grand Chelem, l’autre du haut de ses 33 berges en a « seulement » 17… Seule une légende se place au-dessus de ces deux monstres dans cette catégorie : peRFect. Federer avec 20 trophées en Majeur est considéré comme le meilleur joueur de tous les temps et même si ses deux compères causent sérieusement à ce sujet, sa classe le positionne encore un cran plus haut dans la vision de la plupart des fans de balle jaune. Cet après-midi, le rouleau compresseur de Manacor était en mode 2008 – 6-1 6-3 6-0 pour Nadal contre le Suisse le plus connu du sport et pas que – dans cette finale ne laissant aucune solution à Djoko, 6-0 6-2 7-5. Le véritable match a commencé dans le troisième, le réveil a été un peu tardif mais quel dénouement ! 999ème victoire en carrière, 100ème à Roland et 60ème titre sur terre, juste Rafa quoi. Avec ses nombreuses superstitions, son 1200ème match en carrière démarre avec un signe peut-être : 13h13 de jeu pour le maître des lieux avant de voir son ultime défi se positionner devant lui pour sa 13ème finale. Une fraîcheur et une qualité de jeu qui lui permettent de s’offrir une 13ème coupe Porte d’Auteuil qui restera sûrement un record à jamais. Égaler l’inégalable Roger en titres du Grand Chelem est chose faite maintenant. 2020 a été une année plus qu’étrange et pour autant 2 des 3 tournois les plus prestigieux du tennis ont fini dans l’escarcelle des mêmes Djokovic et Nadal. Uniquement l’US Open avec la victoire de Thiem leur a échappé et à cause d’une disqualification de Nole et une absence des deux autres 2Be3.
Au fil des années, vous avez appris à les connaître, à les aimer et même à les insulter parfois. Quand sur 5h de match les joueurs mettent 3h à servir, c’est un petit peu agaçant mais on peut se dire que les acteurs pensent à nous, histoire de souffler entre deux rallyes épiques qu’ils vont nous donner. 56 rencontres, une légère mais vraiment légère domination pour Novak avec 29 victoires à 27 mais un plus pour le majorquin qui surplombe le serbe en Grand Chelem avec 10 succès contre 6. À Roland et sur terre battue, les adversaires du Taureau tombent aussi vite que ses cheveux mais sur dur c’est avantage Serbie. En quelques chiffres, 18-7 sur terre pour… vous savez qui et 20-7 sur dur pour le sponsor Peugeot, à côté un petit 2-2 sur gazon pour bien équilibrer les débats. Petites anecdotes : entre le 7 juin 2010 et novembre 2016, seulement 17 semaines leur ont fuit et entre 2011 et 2012, ils ont brigué 4 finales de Grand Chelem de suite, rien que ça. Dans un sport individuel, les rivalités sont exacerbées. À l’instar d’un Messi-Cristiano dans le foot, les Djoko-Nadal divisent. Sympathique et souriant mais moins aimé que ses némésis, Djokovic est un peu le vilain petit canard qui s’est immiscé entre les deux grands amis Roger et Rafael. Malgré un style de jeu plus clivant, l’homme au bras gauche le plus impressionnant de l’ère Open, de Majorque et du monde, est apprécié partout où il passe. Un sourcil qui se lève en interview et tout le monde tombe sous son charme espagnol. Les deux styles sont faits pour s’entendre, le protégé de Marian Vajda est plus académique et son revers contre parfaitement le coup droit lasso de son pire ennemi gaucher. Deux défenseurs hors-pair, deus retourneurs parmi les plus efficaces du circuits et un mental de part et d’autre qui force le respect, tout est bon pour caler du spectacle à chaque sortie. Les rencontres sont plus belles les unes que les autres mais nous approchons malheureusement plus de la fin de cette belle époque que de son début.
Depuis ses débuts, tout le monde prédisait une carrière courte à Nadal, dans quelques temps il sera chauve sans implants et pourtant il continue à dicter ses règles sur le circuit tout comme son meilleur ennemi Djokovic. C’est un peu la phrase bateau quand on parle de telles rivalités mais profitons en le temps que ça dure et arrêtons de comparer les deux. Les chiffres parlent d’eux mêmes, la légende est en train de s’écrire depuis maintenant quinze ans dans le paysage du tennis masculin. Respect et on en redemande encore tous les jours des rencontres entre la chose et l’homme élastique.