L’image n’a étrangement pas fait le tour des réseaux. Trois jours après la finale du Championnat du monde des clubs organisée au Qatar et remportée par le Bayern Munich, une vidéo de la remise de prix a fuité sur Twitter. On y voit les femmes de l’équipe arbitrale être totalement ignorées par le Cheikh Joaan bin Hamad, frère de l’Emir du Qatar.
Plus que le comportement du cheikh, ce sont davantage les consignes données par Gianni Infantino, président de la FIFA, aux deux femmes arbitres du jour. Sur la vidéo prise par la chaîne américaine Fox Sports 1, le successeur de Sepp Blatter s’attache longuement à prévenir les arbitres de ne pas serrer la main au représentant de l’Émir… alors que les hommes ont eu cette chance. Sur la Toile, Giulio Cavalli (homme politique écologiste italien) et le compte français Vibrons Foot ont relayé ces images ambiguës. Dans la presse française, seul l’hebdomadaire ultra-conservateur Valeurs actuelles a écrit un court papier sur son site Internet. Dès lors deux camps s’affrontent, ceux qui pensent que c’est inacceptable et que la FIFA préfèrent les « mallettes d’argent aux droits » et ceux qui tempèrent et acceptent que la culture qatarie prenne le pas sur la considération des femmes. Bref, un combat classique sur Twitter. Malgré cela, cet épisode alimente une nouvelle polémique au sujet de l’organisation de la Coupe du monde de football au Qatar, en 2022.
Scandale de corruption, « achat de votes » auprès de fédérations pour voter le Qatar, conditions de vie des travailleurs sur les chantiers des stades, une compétition qui devrait se dérouler en décembre… le petit pays du Moyen-Orient n’est pas épargné par les bad buzz depuis cinq ans. Ne vous étonnez pas de ne voir aucun joueur ne serait-ce que retweeter la vidéo de la remise des prix. L’État dirigé par Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani sponsorise (FC Barcelone, Bayern Munich) ou possède (Paris) certains des plus grands clubs européens, ce n’est un secret pour personne. La FIFA ? On voit mal Gianni Infantino se poser en leader d’une lutte essentielle face à des virements bancaires à six ou sept zéro. Autre point potentiellement sensible, la « féminisation » du football est en marche. La dernière coupe du monde féminine fut un succès d’audiences, et le corps arbitral des rencontres masculines se féminise de plus en plus. En décembre 2022, verra-t-on l’Émir ou son frère exiger la marginalisation de ces arbitres visiblement trop particulières ?
Le talisman sémantique « pas de vagues » fonctionne lui toujours aussi bien à la FIFA. Attention néanmoins à ne pas jouer à un jeu dangereux en acquiesçant à des exigences « ambiguës », qu’elles viennent du Qatar ou de n’importe quel autre pays.