Mai 2018, la LFP sabre le champagne. Les droits TV du championnat de France pour la période 2020-2024 explosent de 63%, dépassant le cap symbolique du milliard d’euros. Une fierté pour Nathalie Boy de la Tour et Didier Quillot, tout contents d’avoir survendu les droits de la Ligue 1. Aujourd’hui, le sang du foot français coule sur leurs mains.
Mediapro, c’est l’histoire d’un drame que tout le monde a vu venir mais que personne n’a su arrêter. Avec du recul, posons-nous les bonnes questions. Comment peut-on élaborer un business plan fiable pour rentabiliser 814 millions d’euros sur la Ligue 1 et la Ligue 2 (les 300 millions restant sont de Canal et BeIN). Avec TPS ou Orange sport, l’histoire nous a prouvé qu’un groupe ne pouvait pas survivre en diffusant que du foot et encore moins que la Ligue 1. Les anciens dirigeants de la LFP ont signé des deux mains, sans garanties, laissant aujourd’hui Vincent Labrune, mais surtout tout le foot français, dans un merdier monstrueux. La chaîne devrait finir l’année avant de laisser les rênes à Canal et BeIN, à moins que RMC Sport essaie de rester dans la danse, puisqu’elle perd les droits des coupes d’Europe à la fin de saison. Ces droits devraient d’ailleurs être revendus puisque Téléfoot disposait de la diffusion de certaines rencontres.
Mediapro doit servir de leçon, une bonne fois pour toutes. Non, le football n’est pas un produit que l’on peut trader comme des vulgaires actions du CAC 40. Le football n’est pas un jouet, c’est un jeu. Un jeu qui doit profiter au plus grand nombre et pas à quelques 400 000 abonnés à 25€. Le football a sûrement atteint son plafond de verre et il va retourner dans les mains de ceux qui savent nous le diffuser. Rendez-nous le multiplex du samedi à 20 heures, rendez-nous l’enchaînement Canal Football Club, affiche du dimanche soir qui peut atteindre jusqu’à 2 millions de téléspectateurs pour un classico. Critiquez notre championnat, moquez-vous de lui autant que vous voulez, décriez son niveau, sa qualité technique, mais ne le laissez pas dans les mains d’inconnus. Des inconnus qui ne connaissent même pas la règle du hors-jeu et qui programment plus de la moitié de la journée le dimanche après-midi, le moment de gloire des derbys de district. Car oui, tout le monde est perdant. Combien de joueurs se sont dit, non je ne prend pas de licence car je veux aller au stade ? Combien de supporters n’ont pas pris d’abonnement car ils voulaient jouer avec leurs copains à 15 heures ?
J’ai évidemment une pensée très forte à tous les journalistes très talentueux (Julien Brun, Anne-Laure Bonnet, Thibault le Rol…) qui se sont lancés dans cette aventure et qui se réveilleront le 1er janvier à la recherche d’un emploi. Payer 814 millions d’euros pour diffuser des Dijon-Metz, c’est très gentil mais la réalité est toute autre. Raisonnement cause – fait -conséquence. Surpayer des droits – faire surpayer des abonnements – encourager le piratage. Plus personne n’a de scrupules à aller sur streamdefoot.fr, ou d’acheter le nouveau boitier à la mode, l’IPTV qui pour 90€ par an vous offre l’accès à toutes les chaînes qui puissent exister. La démarche se comprend, mais à termes, peut conduire à la destruction des chaînes historiques qui ferait retomber le foot français dans des mains malveillantes. L’offre va se recentrer autour de trois acteurs et peut-être bientôt deux puisque les contrats de SFR arrivent à terme à la fin de la saison pour la coupe d’Europe et 2022 pour la Premier League. Les abonnements sont un coût, mais nul doute que la situation actuelle va amener une profonde remise en question du modèle de diffusion du sport français afin de regagner la confiance des consommateurs et donc d’abonnés.
En attendant, célébrons notre victoire. La victoire de tous les fans de foot qui ont réussi à faire plier une chaîne bidon en l’espace de quatre mois. Faisons confiance à Canal+ et BeIN Sports pour assurer la continuité d’un point de vue financier pour les clubs. Certes, ça ne sera pas avec 1,153 milliards, mais au final, ça sera mieux que zéro.